Écriture(s)

Écrire pour décrypter le monde

On l’aura compris : l’époque est aux images chocs, aux vidéos TikTok, aux slogans tapageurs, aux pitchs formatés, et aux idées véhiculées sur la toile dans la limite des 280 caractères d’une punchline Twitter. Dans cette profusion de raccourcis, de pensées rabougries et de dogme de l’immédiateté, j’appartiens à la vieille garde. J’aime l’écriture. Celle qui prend son temps. Celle qui ne freine pas devant une digression, qui n’hésite pas à plonger dans les abysses les plus sombres et partir à l’assaut des sommets ensoleillés. J’aime l’écriture parce qu’elle m’aide à creuser, à structurer, à articuler, et, plus important encore, à mettre à l’épreuve mes pensées. J’aime l’écriture par ce qu’elle me permet d’aller chercher au fond de moi-même des saveurs, des odeurs, des sensations, des zones d’ombre et des ressources dont on ignore souvent l’existence.

L’écriture occupe donc, sous plusieurs formes, une place importante dans ma vie. Dans mon métier de chercheur, je suis amené à produire des articles, des rapports, des notes techniques à l’usage des décideurs. Le registre est donc sobre, dénué de poésie. Il privilégie la clarté, la précision, et entre les lignes, l’objectif à peine voilé de la démonstration de l’intelligence auto-proclamée du chercheur qui l’articule.

Dans mes fonctions de coordination, je suis amené à produire de nombreux rapports et demandes de financements. Là encore, l’exercice est précis et orienté vers l’objectif clair de prouver sa propre valeur et de démontrer qu’on est le bon cheval sur lequel miser. Il consiste donc à créer une version de la réalité qui soit à notre avantage. Magnifier les succès, et redorer le blason des échecs en les mettant en perspective de manière favorable. En somme, écrire une histoire, un récit, assembler des faits, des moments et des protagonistes dans un ensemble crédible et cohérent.

Bien sûr, c’est dans les formes plus fluides, libres et spontanées que l’écriture prend son envol et devient vraiment un instrument d’émancipation. Je pratique de deux manières principales : la création romanesque et l’écriture de chansons. Malgré leurs formes différentes, elles partagent une même vocation : celle de dire le monde. Contrairement aux autres, elles appellent à la singularité, à la subjectivité et s’accommodent d’une approche allégorique des réalités de l’existence, qui peut bien souvent en dire plus long sur les secrets de l’existence que bien des traités savants. Et si j’ai mis longtemps à oser faire le grand saut, l’écriture du roman Que la terre nous soit légère est une des expériences les plus puissantes, bouleversantes et stimulantes qu’il m’ait été donné de traverser. Ce livre m’a transformé. Suis-je encore vraiment un homme ? Je ne sais plus. Mes racines plongent dans la terre nourricière pour alimenter ma lente ascension vers la lumière. J’espère qu’elle me portera vers plus de sagesse. Notre monde en a tellement besoin. Mes feuilles recouvertes de rosée matinale dansent dans le vent du matin. Il ne me reste plus qu’à attendre que tu viennes te poser sur mes branches, toi, mon oiseau, mon lecteur, ma lectrice. Je te chuchote ces quelques pages, avant que tu ne repartes voler vers d’autres cieux.

Copyright 2024 © Tous droits réservés Joan Bastide

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